"Je ne souhaite que peu de lecteurs à ce livre. Loin de la solliciter, il faudrait plutôt retarder l'intrusion des curieux dans ce décor inaltéré, et différer le moment pourtant inévitable, où ce texte et ses images, fruste document historique, survivront peut-être, à ce qui sera mort.
Voici une île miraculeusement échappée à la submersion uniforme de la civilisation moderne. C'est encore une parcelle vivante du passé, point couverte de la poussière des musées et des archives. Nous y verrons l'homme, uniquement armé de l'expérience des siècles et d'une patience infinie, mener seul la lutte acharnée, multipliée par les conditions particulières de la montagne, pour le pain quotidien". Albert Sautier, Almanach perpétuel de La Forcla, éditions du Griffon, Neuchâtel, collection Trésor de mon Pays, juin 1946.

"Le tourisme qui arrive au début du siècle dans les vallées valaisannes, les conséquences de la guerre de 1939-1945 qui mobilisa les paysans et créa les caisses de compensation, les travaux de la Grande-Dixence qui donnèrent du travail à bon nombre de nos villageois et, enfin, la construction des routes qui permit à nos jeunes d'aller travailler en plaine sont les raisons principales qui avec l'argent sonnant qu'elles distribuèrent - transformèrent, en moins d'un siècle, ce fond de vallée qu'est le haut val d'Hérens.... Nos ancêtres passaient leurs soirées à se raconter les événements, les derniers "nouveaux" du village; on se connaissait bien, on se faisait des visites, on jouait aux cartes, au moulin ou à d'autres. jeux; on chantait dans les veillées. Aujourd'hui, la radio, la télévision, l'auto, le ski ont tué tous ces contacts." Nanette Métrailler, Petite chronique de La Sage, Martigny 1984.

Evolutions et nostalgie.
"Tu vois, à certains égards, les Indiennes sont plus fortes que les Indiens, de nos jours. Nous ne cédons pas, tu sais. Nous persevérons parce que c'est notre rôle depuis toujours. Les hommes, ils connaissent aussi les histoires, mais ils se souviennent, ils rêvent de comment c'était autrefois, et alors ils veulent retrouver ce temps-là. Même s'ils ne se rendent pas compte que c'est ça qu'ils veulent. Ils en arrivent à le désirer avec une telle ardeur, comme mon frère, qu'ils oublient que les choses doivent changer sans cesse. Comme les saumons, tu sais. Elle posa la main sur son épaule et regarda derrière lui direction de la porte......Quelquefois, il m'arrive de penser que peut-être les esprits oublient eux aussi. Peut-être qu'ils apparaissent aux gens et qu'ils les incitent à désirer retourner dans le passé parce que le monde actuel n'est plus fait pour ces esprits, c'est comme un fantôme qui tient tellement à rester à l'endroit où il a vécu qu'il faut le convaincre de s'en aller. Ce monde-ci, il est fait pour ceux qui vivent, parce que eux, ils changent quand il n'y a rien d'autre à faire." Louis Owens, Le Chant du Loup, édition Albin Michel, collection 10/18, 1996.